La première partie (« Carnisme – L’analyse de Melanie Joy ») présente l'analyse de Mélanie Joy de la consommation de produits d'origine animale. (Si vous ne connaissez pas, c'est le bon moment pour !)
Seconde partie : « Manger de l'animal ? Pratiques, opinions, sentiments »
Les enquêtes menées auprès de végétariens montrent que beaucoup d’entre eux citent l’éthique ou la compassion envers les animaux à la fois comme motivation principale de leur régime actuel, et comme raison initiale de leur rejet de l’alimentation carnée. Parmi les autres raisons invoquées, le souci de préserver sa santé constitue la motivation initiale d’une fraction assez importante de végétariens.
On observe qu’une fois passés au végétarisme, les individus élargissent souvent leur palette de raisons d’y adhérer, de sorte que les végétariens « d’origine santé » ont de grandes chances à terme d’adopter l’idée que ce régime est également préférable pour le bien des animaux. On ne dispose cependant pas de bases suffisantes pour imputer aux personnes devenues végétariennes pour leur santé des mobiles éthiques inconscients, ou pour affirmer qu’en l’absence de préoccupation pour leur santé, elles auraient cessé de manger des animaux.
Quelques études indiquent par ailleurs que les végétaliens et véganes se recrutent surtout parmi les végétariens d’origine éthique.
Une enquête a été effectuée en France en 1997 auprès de 150 carnivores. Les affirmations « La viande est nécessaire à l’équilibre alimentaire » et « La viande est source de santé » ont été approuvées respectivement par 61,5% et 59,5% d’entre eux, ce qui constitue une majorité mais indique aussi qu’environ 40% ne se sont pas prononcés en ce sens. Plus étonnant encore : dans la même enquête, 63,5% des personnes interrogées ont approuvé l’affirmation « On peut-être en parfaite santé sans manger de viande », de sorte qu’on se trouve face à une population qui, selon la façon dont la question est posée, dit à la fois croire et ne pas croire la viande nécessaire à la santé.
Chez une majorité de la population, les enquêtes ne font apparaître ni indifférence au sort des animaux (leur mort et leur mal-être sont perçus négativement), ni adoption d’un comportement s’écartant du modèle de consommation dominant afin d’amenuiser les maux infligés aux bêtes. Cependant, l’ensemble des personnes dont les pratiques ne correspondent pas à ce modèle dépasse largement le cercle des végétariens.
Troisième partie : « Faiseurs de mythe – La com' des filières viandes »
Quatrième partie : « À quoi tient la stabilité du systèmes carniste ? »
Dans l’image que nous nous faisons de nous-même, nous pensons volontiers que nos croyances et opinions guident nos actes, moins volontiers que nos actes modèlent nos croyances et opinions. C’est pourtant également le cas.
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Dans une troisième expérience, les participants pensent être recrutés pour donner leur avis sur des produits alimentaires. Chacun sait d’avance quelle denrée il va goûter : une préparation à base de bœuf, de mouton ou de pommes selon les cas. Avant de passer à la dégustation des produits, tous doivent rédiger un texte sur le processus d’élevage et de transformation conduisant à mettre la viande à la disposition des consommateurs, et tous sont invités à noter les capacités mentales des vaches et moutons. Les notes attribuées aux animaux par ceux qui s’apprêtent à goûter de la viande sont significativement inférieures à celles attribuées par ceux qui s’apprêtent à goûter des pommes.
Ces expériences suggèrent fortement l’existence d’un processus de réduction du conflit existant entre alimentation carnée et sensibilité au sort des bêtes par « démentalisation » des animaux concernés : comme dans l’expérience menée par Loughnan et alii (2010), l’état de dissonance cognitive est atténué par un ajustement des croyances aux pratiques. Là encore, l’ajustement n’est que partiel, car les sujets ne vont pas jusqu’à nier l’existence même d’une vie mentale chez les animaux mangés.
Bien que les êtres humains possèdent la faculté d’empathie ou de compassion envers les bêtes, Balluch estime qu’on ne parviendra pas à améliorer substantiellement la condition animale en tablant uniquement sur la diffusion d’un discours sur les droits des animaux et sur des actions visant à persuader un par un les consommateurs d’opter pour le végétarisme. Car accomplir durablement une telle mutation demande plus d’énergie que la plupart d’entre eux ne sont capables de fournir.