Merci Mata'i de lancer ce débat; il s'agit d'une question importante, à laquelle je n'avais pas explicitement conscience il y a à peine quelques mois. Des gens comme Yves Bonnardel et toi m'avez aidé à mieux percevoir ce problème, et je regrette de ne pas avoir pu assister à ta conférence aux Estivales. J'espère que la discussion fut stimulante!
J'ai écrit un peu plus sur le sujet dans un récent article (
Vers un monde végane 1: faciliter la transition sociale), en ajoutant une nuance:
« Bien qu’un mouvement politique soit nécessaire, il est important qu’une communauté proprement végane, avec sa culture végane florissante, existe pour accueillir la transition sociale. Puisque l’abolition de l’exploitation animale implique nécessairement le véganisme, il n’est pas réaliste de croire qu’au lendemain de l’abolition, la population se retrouverait dépourvue de moyens et de ressources pour devenir subitement végane. Pour que le projet politique soit accepté, encore faut-il que les gens puissent s’y reconnaître et s’y repérer — les humains ont tendance à résister au changement lorsqu’ils croient que celui-ci est impossible ou inintéressant. Pour cette raison, la propagation du véganisme peut donc se faire parallèlement au mouvement politique des droits des animaux et doit même l’accompagner. Et c’est sans parler de la portée politique du fait d’être végane: cela envoie un message sur le statut moral de l’animal, soulève des questions et des discussions, et démontre qu’un autre monde est possible. Refuser de cautionner la violence envers les animaux, même à l’échelle individuelle, peut constituer une action politique, car il s’agit bien d’une résistance à la norme environnante. Une communauté végane sert ainsi à incarner ce changement, à montrer qu’il est possible, et donne un aperçu d’une société qui aurait aboli l’exploitation animale. »
De plus, je n'ai pas insisté sur un phénomène psychologique assez bien documenté et dont parle Martin Gibert dans son livre: le fait que ce ne serait pas tant nos pensées qui déterminent nos habitudes, mais peut-être davantage nos habitudes qui façonnent notre pensée — d'où le fameux problème de dissonance cognitive souvent résolue par un changement de mentalité. En d'autres mots, c'est peut-être en encourageant les changements d'habitude (et donc, en incitant au véganisme) que les gens peuvent ensuite devenir plus ouverts au message politique. Le contraire se peut, mais est, selon différentes études empiriques, un peu moins probables.
Ces éléments sauront peut-être alimenter le débat, et chercher à bien comprendre ce qu'il faut retenir de chacune des approches! Cela n'empêche pas à ce qu'un mouvement politique soit mis de l'avant, mais peut-être qu'il y a des aspects importants à conserver dans le mouvement végane lui-même.
Qu'en pensez-vous?